Le variable de moins en moins attractif aujourd’hui. A 5,07%, les taux ne risquent plus de baisser.
Une hausse allant jusqu’à 1 point des taux des crédits à long terme est attendue le semestre prochain.
Mieux vaut jouer la sécurité en optant pour le taux fixe plancher actuel.
Pour les anciens crédits, le passage du variable au fixe est possible.
Choisir entre le taux fixe et le taux variable pour un crédit immobilier est aujourd’hui une préoccupation pour nombre de Marocains. Le niveau actuel des taux d’intérêt et leur évolution durant ces dernières années les poussent en effet à réfléchir de plus en plus sérieusement avant de se décider, alors qu’il y a un an, la tendance était clairement au taux variable. D’ailleurs, 40% des encours des prêts immobiliers actuels portent sur ces crédits à taux variable.
Du côté des chargés de clientèle des banques, le conseil fait souvent défaut. Ces derniers se contentent d’exposer théoriquement les avantages et les inconvénients des deux types de taux sans pour autant indiquer pour lequel il vaut mieux opter en l’état actuel des choses.
Ce qu’il faut savoir, c’est que la longue période où il était judicieux d’opter pour un taux variable est terminée. En effet, les taux d’intérêt ont consommé ces dernières années tout leur potentiel de baisse. A plus de 14% hors taxe durant les années 1990, ils sont passés aujourd’hui à 5,07% pour le niveau plancher. Structurellement, le marché indique que les taux ne peuvent désormais qu’augmenter, d’où l’intérêt de choisir un taux fixe.
On ne le dit jamais assez, l’avantage principal d’un crédit immobilier à taux fixe est sa sécurité. Dès la signature du contrat, l’emprunteur connaît à l’avance le niveau de ses mensualités et le coût global de son crédit, qui ne changeront pas, quelle que soit l’évolution future des taux. Cependant, l’inconvénient du taux fixe réside dans le fait que l’emprunteur ne pourra pas profiter des éventuelles baisses des taux sur le marché.
Les taux des bons du Trésor à long terme vont augmenter d’ici juillet
Quant au crédit à taux variable, ses deux avantages majeurs sont un taux initial inférieur au taux fixe et une possibilité de profiter de la baisse des taux. Par contre, choisir un taux variable constitue un risque en cas d’augmentation du loyer de l’argent.
Pourquoi, alors que l’on prisait le variable, est-il désormais plus intéressant de choisir le fixe ? C’est le mécanisme même de calcul des taux d’intérêt des crédits immobiliers qui fournit la réponse : ces derniers sont indexés sur les taux du marché primaire des bons du Trésor. Ils sont en effet calculés sur la base des taux moyens pondérés (TMP) des bons du Trésor sur le semestre précédent.
Depuis le début de l’année, la hausse des taux d'intérêt était attendue. Seulement, elle n’a affecté que les crédits à moyen terme. En effet, les taux minimum des prêts immobiliers inférieurs à sept ans ont connu une hausse de 86 points de base le 1er janvier 2008, passant de 4,64% à 5,50% hors taxe. Cette hausse s’explique par l’augmentation du taux moyen pondéré des bons du Trésor de maturité égale à 5 ans qui est passé de 3,14% à 4% en raison de l'assèchement des liquidités sur le marché monétaire en 2007.
Cela dit, cette augmentation n’a que faiblement touché les emprunteurs car plus de 90% des crédits au logement sont à long terme.
Pour le moment, les taux des prêts immobiliers supérieurs à 7 ans n’ont subi aucun changement, avec un minimum de 5,07% pour le variable et 5,82% pour le fixe. Cette stabilité s’explique par le refus du Trésor de se financer sur les bons du Trésor à maturités 10 et 15 ans, sur lesquels les crédits à long terme sont indexés. Ce refus se justifie par deux raisons principales. La première réside dans le fait que le Trésor n’accepte pas la hausse des taux exprimée par les investisseurs sur le marché et préfère se financer sur le court terme qui reste moins cher. La deuxième raison est, selon les professionnels du marché des taux, une volonté politique de maintenir les taux des crédits immobiliers à long terme inchangés afin de ne pas rogner le pouvoir d’achat des emprunteurs, surtout quand on sait qu’une large population à revenus modestes a eu, ces dernières années, accès au crédit logement.
Cette situation a créé toutefois un paradoxe. Les taux planchers des crédits logement à moyen terme sont devenus plus chers que ceux du long terme, ce qui ne correspond à aucune logique financière, puisque le risque inhérent au long terme est de toute évidence plus élevé que celui du moyen terme. Les banques accordent actuellement des taux d'intérêt pour les crédits immobiliers à moyen terme à un minimum de 5,50% pour le variable et 6% pour le fixe, alors que pour les crédits supérieurs à 7 ans, les taux variables varient entre 5,07% et 5,70% et les taux fixes entre 5,82% et 6,45%, selon le profil du client.
On le comprend, la stabilité des taux d'intérêt des prêts à long terme ne devrait pas durer. «Le Trésor ne tardera pas à lever des fonds sur les maturités 10 et 15 ans, qui constituent la base de calcul des crédits immobiliers à long terme, ce qui se traduira par un ajustement à la hausse des taux primaires des bons du Trésor pour s’aligner sur ceux du secondaire», explique le directeur d’une agence bancaire de BMCE Bank.
La hausse des taux ne risque pas d’être très élevée
Actuellement, l’écart entre les taux primaires des bons du Trésor (marché des adjudications) et les taux secondaires (marché d’échange entre opérateurs) est très important. La maturité 10 ans est à 3,40% sur le marché primaire alors qu’elle s’échange à 4,27% sur le marché secondaire, soit un écart de 87 points de base (pb). De même, la maturité 15 ans est restée à 3,69% sur le marché primaire contre 4,73% actuellement sur le marché secondaire, soit un différentiel de 104 pb.
Le scénario le plus envisageable est donc un ajustement à la hausse des taux d'intérêt des crédits immobiliers dès le semestre prochain. Cela dit, l’augmentation ne risque pas d’être très importante car, avec une économie marocaine bien encadrée et une inflation maîtrisée, les taux sur le marché financier ne pourront pas connaître une flambée.
Les professionnels tablent sur une hausse comprise entre 60 et 100 points de base concernant les maturités 10 et 15 ans sur le marché primaire des bons du Trésor, ce qui veut dire que l’augmentation des taux des crédits immobiliers à long terme variera entre un demi-point et un point. Les taux risquent ainsi d’atteindre un minimum de 6,07% hors taxe pour le variable et de 6,82% pour le taux fixe au plus tard d’ici 2009. Prendre actuellement un taux fixe à 5,82% sera moins coûteux et plus sécurisant qu’un taux variable si la hausse survient. «Il est plus intéressant en ce moment d’opter pour un crédit immobilier à taux fixe. Ce dernier ne réserve pas de surprise, ni bonne ni mauvaise», confirme Ahmed Alami, trader senior taux au sein de BMCE Capital Market.Toutefois, rappelons que même avec une hausse de l’ordre d’un point, les taux d’intérêt des crédits immobiliers resteront beaucoup plus bas que ceux qui prévalaient il y a une dizaine d’années.
Durant les dernières années, les emprunteurs optaient davantage pour les taux variables car la tendance des taux d'intérêt était à la baisse. Environ 70% des personnes ayant contracté un prêt immobilier en 2007 ont en effet opté pour le taux variable. Mais, depuis la fin 2007, les emprunteurs ont commencé à opter pour les taux fixes, cherchant plus la sécurité que l’opportunité d’économiser sur les mensualités. «Ces derniers mois, les personnes averties ou travaillant dans le secteur financier ont opté beaucoup plus pour les taux fixes afin d’éliminer tout risque de hausse des taux d'intérêt qui pourrait engendrer un surplus dans leurs mensualités», explique un responsable dans une agence bancaire de la BMCI.
En résumé, avec une grande probabilité d’ajustement à la hausse des taux à long terme sur le marché primaire des bons du Trésor et des taux d'intérêt des crédits immobiliers qui ont atteint leur plus bas niveau historique, il existe un risque important de hausse des taux durant le deuxième semestre de l’année 2008. Les anciens emprunteurs à taux variable pourront voir leurs mensualités augmenter de plusieurs centaines de dirhams, alors que les traites des emprunteurs à taux fixe resteront inchangées.
Pour les anciens emprunteurs à taux variable, il faut savoir qu’il est possible de se prémunir contre la hausse des taux. En effet, les banques accordent à leurs clients la possibilité de basculer une seule fois dans la durée de vie du crédit du taux variable vers le fixe et inversement. Bien entendu, cela se traduira par une hausse dans la mensualité suite au rajout de la prime de fixité au taux (de 25 à 75 pb, selon le montant et la durée restants). Mais cela garantira à l’emprunteur la sécurité durant toute la durée du crédit.
Houda Sefraoui, la vie éco du 29 février au 6 mars 2008